Le Décret n° 2016-1152 du 24 août 2016 relatif à la lutte contre la conduite après usage de plantes classées comme stupéfiants est venu considérablement amoindrir les chances de relaxe du conducteur poursuivi pour avoir conduit sous l’emprise des stupéfiants, de par l’abolition de sa possibilité à solliciter une seconde analyse lors son procès, plusieurs mois voire plusieurs années après les faits.
En effet, il arrivait souvent que faute pour le Parquet de retrouver le deuxième échantillonnage de sang prélevé sur le conducteur à qui on reprochait une conduite sous l’usage de stupéfiants, notamment car entre le moment de son interpellation et le jour du procès, il s’était écoulé plusieurs mois voire plusieurs années, le conducteur était relaxé faute de pouvoir analyser le second flacon.
C’est ainsi que la Cour de Cassation n’a eu de cesse de rappeler haut et fort que « L’usage de stupéfiants, élément constitutif de l’infraction prévue par l’article L 235-1 du Code de la Route, ne peut être prouvée que par analyse sanguine » (Cass.crim, 15 février 2012, n° 11-84607).
D’où, en cas de perte de second échantillonnage, et faute de pouvoir apporter une contradiction à la première analyse et au taux de concentration de THC ainsi relevé la première fois, le prévenu pouvait être facilement relaxé.
Aujourd’hui, et ce qui était encore possible jusqu’hier, ne l’est plus en raison de l’arrivée tonitruante du Décret n° 2016-1152 du 24 août 2016 qui court-circuite dorénavant tout recourt à une seconde analyse de sang.
Il est ainsi rédigé comme suit :
« Le code de la route est ainsi modifié :
1° A l’article R. 235-1, les mots : « aux analyses et examens médicaux » sont remplacés par les mots : « aux analyses ou examens médicaux » et les mots : « des analyses et examens précités » sont remplacés par les mots : « des analyses ou examens précités » ;
2° Les articles R. 235-4 à R. 235-12 sont remplacés par les dispositions suivantes :
« Art. R. 235-4.- Les épreuves de dépistage réalisées à la suite d’un recueil de liquide biologique sont effectuées conformément aux méthodes et dans les conditions prescrites par un arrêté des ministres de la justice et de l’intérieur ainsi que du ministre chargé de la santé, après avis du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
« Art. R. 235-5.- Les vérifications mentionnées au cinquième alinéa de l’article L. 235-2 comportent une ou plusieurs des opérations suivantes :
«-examen clinique en cas de prélèvement sanguin ;
«-analyse biologique du prélèvement salivaire ou sanguin.
« Art. R. 235-6.- I.-Le prélèvement salivaire est effectué par un officier ou agent de police judiciaire de la gendarmerie ou de la police nationales territorialement compétent à l’aide d’un nécessaire, en se conformant aux méthodes et conditions prescrites par l’arrêté prévu à l’article R. 235-4.
« A la suite de ce prélèvement, l’officier ou l’agent de police judiciaire demande au conducteur s’il souhaite se réserver la possibilité de demander l’examen technique ou l’expertise prévus par l’article R. 235-11 ou la recherche de l’usage des médicaments psychoactifs prévus au même article.
« Si la réponse est positive, il est procédé dans le plus court délai possible à un prélèvement sanguin dans les conditions fixées au II.
« II.-Le prélèvement sanguin est effectué par un médecin ou un étudiant en médecine autorisé à exercer à titre de remplaçant, dans les conditions fixées à l’article L. 4131-2 du code de la santé publique, requis à cet effet par un officier ou un agent de police judiciaire. Le prélèvement sanguin peut également être effectué par un biologiste requis dans les mêmes conditions.
« Ce praticien effectue le prélèvement sanguin à l’aide d’un nécessaire mis à sa disposition par un officier ou un agent de police judiciaire, en se conformant aux méthodes prescrites par un arrêté pris dans les conditions prévues à l’article R. 235-4.
« Un officier ou un agent de police judiciaire assiste au prélèvement sanguin.
« III.-L’examen clinique, en cas de prélèvement sanguin, est effectué par un médecin ou un étudiant en médecine autorisé à exercer à titre de remplaçant, dans les conditions fixées à l’article L. 4131-2 du code de la santé publique, requis à cet effet par un officier ou un agent de police judiciaire.
« Art. R. 235-7.- Le prélèvement sanguin mentionné au troisième alinéa du I de l’article R. 235-6 est conservé dans un tube étiqueté et scellé par un officier ou agent de police judiciaire.
« Le prélèvement sanguin prévu au II de l’article R. 235-6 est réparti entre deux tubes étiquetés et scellés par un officier ou agent de police judiciaire.
« Art. R. 235-8.- En cas de décès du ou des conducteurs impliqués, le prélèvement des échantillons sanguins est effectué dans les conditions fixées par l’article R. 235-5 et par le II de l’article R. 235-6.
« Les méthodes de prélèvement et de conservation des échantillons sanguins applicables en cas de décès du ou des conducteurs impliqués sont fixées par l’arrêté prévu à l’article R. 235-4.
« Le cas échéant, sur réquisition ou ordonnance de commission d’expert, il est procédé à un examen de corps ou à une autopsie.
« Art. R. 235-9.- L’officier ou l’agent de police judiciaire adresse l’échantillon salivaire prélevé, et le cas échéant l’échantillon sanguin prélevé, ou les deux échantillons sanguins prélevés, accompagnés des résultats des épreuves de dépistage, à un laboratoire de biologie médicale ou à un laboratoire de police scientifique, ou à un expert inscrit en toxicologie sur l’une des listes instituées en application de l’article 2 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires et de l’article 157 du code de procédure pénale, dans les conditions prévues par l’article R. 3354-20 du code de la santé publique.
« Le laboratoire ou l’expert conserve le tube prévu au premier alinéa de l’article R. 235-7 ou un des deux tubes mentionnés au second alinéa du même article en vue d’une demande éventuelle d’un examen technique ou d’une expertise. L’arrêté prévu à l’article R. 235-4 précise les conditions de réalisation des examens de biologie médicale et de conservation des échantillons.
« Art. R. 235-10.- Les analyses des prélèvements salivaires et sanguins sont conduites en vue d’établir si la personne conduisait en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants. Elles le sont dans les conditions définies par l’arrêté prévu à l’article R. 235-4.
« Art. R. 235-11.- Dans un délai de cinq jours suivant la notification des résultats de l’analyse de son prélèvement salivaire ou sanguin, à condition, dans le premier cas, qu’il se soit réservé la possibilité prévue au deuxième alinéa du I de l’article R. 235-6, le conducteur peut demander au procureur de la République, au juge d’instruction ou à la juridiction de jugement qu’il soit procédé à partir du tube prévu au second alinéa de l’article R. 235-9 à un examen technique ou à une expertise en application des articles 60,77-1 et 156 du code de procédure pénale.
« De même, le conducteur peut demander qu’il soit procédé, dans les mêmes délais et conditions, à la recherche de l’usage de médicaments psychoactifs pouvant avoir des effets sur la capacité de conduire le véhicule tels que mentionnés au p de l’article R. 5128-2 du code de la santé publique.
« En cas d’examen technique ou d’expertise, ceux-ci sont confiés à un autre laboratoire ou à un autre expert répondant aux conditions fixées par l’article R. 235-9. Celui-ci pratique l’expertise de contrôle en se conformant aux méthodes prescrites en application de l’article R. 235-10.
« Art. R. 235-12.- Les honoraires et indemnités de déplacement afférents aux épreuves de dépistage, aux prélèvements et aux examens biologiques prévus aux articles R. 235-4 et R.235-6 sont calculés par référence aux articles R. 110, R. 111 et R. 117 (1°, c et e) du code de procédure pénale.
« Lorsqu’il est procédé à un examen clinique et à un prélèvement biologique, tant en application des dispositions de l’article R. 235-6 que des dispositions des articles R. 3354-7 à R. 3354-11 du code de la santé publique, il n’est dû qu’une seule indemnité de déplacement et des honoraires que pour un seul acte.
« Les frais afférents aux examens de laboratoire mentionnés aux articles R. 235-10 et R. 235-11 relatifs à la recherche de produits stupéfiants et, le cas échéant, les frais afférents à la recherche de médicaments psychoactifs sont fixés par référence aux 10° et 11° de l’article R.118 du code de procédure pénale.
« Les frais afférents à l’acquisition des matériels de recueil et de dépistage prévus par l’article R. 235-3 sont fixés par arrêté conjoint du ministre de la justice et du ministre chargé du budget.»
Article 2 En savoir plus sur cet article…
Le ministre des finances et des comptes publics, la ministre des affaires sociales et de la santé, le garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre de l’intérieur et le secrétaire d’Etat chargé du budget sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française ».
Aujourd’hui, il est donc demandé au conducteur de faire le choix d’exercer son droit à contre-expertise non pas dans le délai de 5 jours suivant la notification de ses résultats mais au moment même du contrôle routier, ce qui rogne considérablement les droits de la défense dès lors que faute d’avoir pris connaissance des enjeux d’exercer son droit à seconde expertise, celui-ci optera très certainement pour le choix tendant à refuser le second contrôle pour rentrer
au plus tôt chez lui.
En effet, ce droit à contre-expertise nécessitant une analyse de sang par un professionnel de santé à l’hôpital, on peut comprendre la préférence de certains de vouloir rentrer se coucher (lorsque l’interpellation se fait au milieu de la nuit) plutôt que de passer plusieurs heures, si ce n’est pas toute la nuit, à attendre à l’hôpital.
Ces nouvelles dispositions permettent quand même de s’interroger sur l’effectivité et la preuve de la notification du droit à contre-expertise qui sera effectuée par les services interpellateurs.
Si un doute subsiste sur cette réelle notification ou si elle n’a tout simplement pas eu lieu et que la procédure n’en fait pas état, le prévenu doit pouvoir en bénéficier et la relaxe devrait alors s’imposer d’elle-même….
Le cabinet n’a pas dit son dernier mot !
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