Par un arrêt du 6 décembre 2016 (pourvoi n° 15-86.619), la Cour de Cassation est venue se prononcer fermement sur le caractère obligatoire ou facultatif du second contrôle du taux d’alcoolémie par éthylomètre lors du placement d’une personne en garde à vue pour des faits reprochés de conduite sous l’empire d’un état alcoolique.
En effet, dans cette espèce, le conseil du prévenu poursuivi pour des faits qualifiés de conduite d’un véhicule sous l’empire d’un état alcoolique, avait fait valoir que l’imprégnation alcoolique de son client n’était pas compatible, faute de la lucidité nécessaire à comprendre le sens d’une seconde analyse par éthylomètre, avec sa faculté à pouvoir verbaliser et solliciter un second contrôle et qu’il appartenait dès lors aux forces de l’ordre de le lui imposer d’office.
Or la Cour de Cassation répond par la négative en expliquant que le second contrôle prévu à l’article L 234-5 du code de la route n’est pas une obligation prévue par la loi et que même si le prévenu, en état d’ébriété et dont la notification des droits afférents à son placement en garde-à-vue, a été différée faute pour lui d’avoir la lucidité nécessaire à en comprendre le sens, n’était pas en mesure de réclamer un second contrôle, il n’avait pas à être opéré d’office par l’agent :
« Attendu qu’en statuant ainsi et dès lors que les vérifications ont été effectuées conformément aux articles L 234-4,L 234-5 et R 234-4 du code de la route, et d’autre part, que le second contrôle prévu par l’article R 234-4,2° dudit code n’a pas été sollicité et n’avait pas à être opéré d’office par l’officier ou l’agent de police judiciaire, la cour d’appel a justifié sa décision ».
Ci-dessous l’arrêt reproduit en son intégralité :
Cour de cassation Chambre criminelle
Audience publique du 6 décembre 2016
N° de pourvoi: 15-86619
Publié au bulletin
Rejet
M. Guérin (président), président
SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
– M. Franck X…,
contre l’arrêt de la cour d’appel d’ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 6 octobre 2015, qui, pour conduite d’un véhicule sous l’empire d’un état alcoolique, en récidive, l’a condamné à trois mois d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve, a constaté l’annulation de son permis de conduire et a ordonné une mesure de confiscation ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 8 novembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Schneider, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de Mme le conseiller SCHNEIDER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général LE DIMNA ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 234-4, L. 234-5 et R. 234-4 du code de la route, 63-1, 593 et 802 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a rejeté les conclusions de nullités soulevées et déclaré M. X… coupable des faits de la prévention ;
” aux motifs que l’article L. 234-5 du code de la route, s’il prévoit la possibilité d’effectuer un second contrôle (lequel est de droit à la demande de la personne contrôlée), n’en fait nullement une obligation, quand bien même la personne contrôlée serait comme en l’espèce hors d’état de choisir lucidement de réclamer ou pas un second contrôle ; que, dès lors qu’il n’est pas prétendu que le contrôle exercé serait inexact ou erroné, la procédure de contrôle ci-dessus décrite est parfaitement valable ; que, quant au fait d’avoir différé la notification des droits à 13 heures 45, la cour relève qu’à 14 heures, M. X… était toujours positif à l’éthylotest mais a déclaré se sentir apte à répondre aux questions des enquêteurs ; qu’il est communément admis, et d’ailleurs non contesté par la défense, que l’alcoolémie diminue de 0, 10 à 0, 15 grammes d’alcool par litre de sang par heure écoulée ; qu’ainsi, compte tenu du taux relevé lors du contrôle et non contesté, il apparaît que le délai qui a été respecté par les enquêteurs était bien nécessaire pour que l’alcoolémie de M. X… descende assez bas pour qu’il puisse comprendre les droits qui devaient lui être notifiés ; que, dès lors, la nullité soulevée sera rejetée ;
” 1°) alors que l’officier de police judiciaire a le devoir de notifier les droits attachés au placement en garde à vue dès que l’intéressé se trouve en état d’en être informé, c’est-à-dire en mesure d’en comprendre la portée ; que tout retard dans la mise en œuvre de cette obligation, non justifié par une circonstance insurmontable, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée ; que, tout en admettant que le taux d’élimination de l’alcool dans le sang requiert une certaine durée, M. X… faisait valoir qu’il mesure 1m70 pour 100 kg et n’avait été soumis à aucun nouveau contrôle entre 0 heures 55, heure de la vérification de son taux d’alcoolémie, et 14 heures ; qu’en écartant l’exception de nullité tirée de la notification tardive de ses droits 13 heures 30 après son placement en garde à vue, par des motifs purement généraux et hypothétiques déduits de ce qui est « communément admis », la cour d’appel n’a pas légalement justifiée sa décision ;
” 2°) alors qu’en vertu de l’article R. 234-4 du code de la route, « lorsque, pour procéder aux vérifications prévues par les articles L. 234-4, L. 234-5, L. 234-9 et L. 3354-1 du code de la santé publique, l’officier ou l’agent de police judiciaire fait usage d’un appareil homologué permettant de déterminer le taux d’alcool par l’analyse de l’air expiré, la vérification est faite selon les modalités ci-après :
– le délai séparant l’heure, selon le cas, de l’infraction ou de l’accident ou d’un dépistage positif effectué dans le cadre d’un contrôle ordonné par le procureur de la République ou effectué sur initiative de l’officier ou de l’agent de police judiciaire et l’heure de la vérification doit être le plus court possible ;
– l’officier ou l’agent de police judiciaire, après avoir procédé à la mesure du taux d’alcool, en notifie immédiatement le résultat à la personne faisant l’objet de cette vérification. Il l’avise qu’il peut demander un second contrôle ;
– le procureur de la République, le juge d’instruction ou l’officier ou l’agent de police judiciaire ayant procédé à la vérification peuvent également décider qu’il sera procédé à un second contrôle. Celui-ci est alors effectué immédiatement, après vérification du bon fonctionnement de l’appareil ; le résultat en est immédiatement porté à la connaissance de l’intéressé » ; qu’il se déduit de ces dispositions que les vérifications doivent être effectuées dans le temps le plus voisin des épreuves de dépistage lorsqu’elles se sont avérées positives et que les dispositions prescrivant la notification immédiate des résultats de la vérification d’alcoolémie, ont pour seul objet de permettre un second contrôle ; que, par suite, le respect de cette procédure implique, à partir du moment où la personne soumise à cette opération de vérification est, « comme en l’espèce, hors d’état de choisir lucidement de réclamer ou pas un second contrôle », que le second contrôle intervienne d’office ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles L. 234-4, L. 234-5 et R. 234-4 du code de la route ;
” 3°) alors qu’à défaut de second contrôle effectué d’office, l’intéressé, qui n’a pu y renoncer de manière libre et non équivoque, se trouve privé du droit de se prévaloir devant la juridiction de jugement d’une éventuelle distorsion des taux mise en évidence par les deux contrôles successifs ; qu’en validant, néanmoins, la procédure au motif inopérant « qu’il n’est pas prétendu que le contrôle exercé serait inexact ou erroné », la cour d’appel a violé l’article 802 du code de procédure pénale “ ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Franck X… a été interpellé au volant de son véhicule le 20 janvier 2014 à 0 heure 30 et présentait des signes d’ivresse manifeste ; qu’il a été soumis à une mesure de son alcoolémie par éthylomètre, ayant déterminé un taux d’alcool de 1, 32 mg par litre d’air expiré ; qu’en raison de l’état de l’intéressé, la notification de son placement en garde à vue et des droits y afférents est intervenue à 13 heures 45 ; que, poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef de conduite sous l’empire d’un état alcoolique, en récidive, il a excipé de la nullité de la garde à vue, en faisant valoir que ses droits lui avaient été notifiés tardivement, ainsi que de la nullité de la vérification de l’imprégnation alcoolique ; que le tribunal a fait droit aux exceptions de nullité et relaxé le prévenu ; que le ministère public a interjeté appel ;
Sur le moyen pris en sa première branche :
Attendu que, pour rejeter l’exception de nullité tirée de ce que la notification des droits ouverts à la personne gardée à vue est intervenue le 20 janvier 2014 à 13 heures 45 alors qu’elle a été interpellée le 20 janvier 2014 à 0 heure 30, la cour d’appel constate que le taux d’alcoolémie est de 1, 32 mg par litre d’air expiré et relève, pour caractériser la circonstance insurmontable, qu’à 14 heures, M. X… était toujours positif à l’éthylotest mais a déclaré se sentir apte à répondre aux questions des enquêteurs ; que les juges ajoutent que l’alcoolémie diminue de 0, 10 à 0, 15 grammes d’alcool par litre de sang par heure écoulée et que le délai respecté par les enquêteurs au regard du taux d’alcoolémie présenté par M. X…, était nécessaire pour que ce dernier soit en mesure de comprendre ses droits ;
Attendu qu’en prononçant ainsi, l’arrêt n’encourt pas le grief visé au moyen, dès lors qu’il constate, par des motifs concrets et non hypothétiques, l’existence d’une circonstance insurmontable qui a retardé la notification des droits, laquelle ne doit intervenir qu’à partir du moment où la personne gardée à vue est en mesure d’en comprendre la portée ;
D’où il suit que le grief sera écarté ;
Sur le moyen pris en ses deux autres branches :
Attendu que, pour infirmer le jugement ayant accueilli l’exception prise de ce que le second contrôle prévu à l’article L. 234-5 du code de la route n’avait pas été opéré, fût-ce d’office, en raison de l’état de M. X… qui n’était pas en mesure de le réclamer, l’arrêt relève, d’une part, que si le second contrôle est de droit, si la personne en fait la demande, la loi n’en fait pas une obligation dans le cas contraire et, d’autre part, que la procédure de contrôle n’a pas été remise en cause ;
Attendu qu’en statuant ainsi, et dès lors, d’une part, que les vérifications ont été effectuées conformément aux articles L. 234-4, L. 234-5 et R. 234-4 du code de la route, et, d’autre part, que le second contrôle prévu par l’article R. 234-4, 2° dudit code n’a pas été sollicité et n’avait pas à être opéré d’office par l’officier ou l’agent de police judiciaire, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen sera écarté ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six décembre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Publication :
Décision attaquée : Cour d’appel d’Angers, du 6 octobre 2015