Cette question revient en d’autres termes à s’interroger de savoir s’il est possible et envisageable de démontrer que les forces de police qui ont constaté la commission de telle ou telle infraction auraient pu « se tromper » !
A cette question, je vous renverrai aux dispositions de l’article 537 du code de procédure pénale qui rappellent que :
« Les contraventions sont prouvées soit par procès-verbaux ou rapports, soit par témoins à défaut de rapports et procès-verbaux, ou à leur appui.
Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les procès-verbaux ou rapports établis par les officiers et agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints, ou les fonctionnaires ou agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire auxquels la loi a attribué le pouvoir de constater les contraventions, font foi jusqu’à preuve contraire.
La preuve contraire ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins ».
Voici ainsi l’arsenal juridique qui nous permet de venir, devant les Tribunaux, contredire un procès-verbal de police : la contravention de police ne peut être contredite que par un écrit ou un témoin.
La question se pose alors de savoir qu’est-ce qu’un écrit ? L’écrit doit être considéré comme l’écrit au sens du code civil et des dispositions des articles 1316 et suivants du code civil rappelant que « la preuve littérale, ou preuve par écrit, résulte d’une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de transmission ».
« L’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ».
Pour ce qui est du témoin il est important de préciser qu’en l’état actuel de la jurisprudence, les Tribunaux ne considèrent pas l’attestation écrite d’un témoin (très facile à produire dans le cadre du procès), comme étant une preuve par écrit ou par témoin telle qu’exigée par l’article 537 du code de procédure pénale ci-dessus reproduit.
Aussi la seule possibilité pour essayer de venir contester l’autorité du contenu d’un procès-verbal de police (excès de vitesse, feu rouge, téléphone au volant…..) reste celle de faire citer en audience un véritable témoin qui expliquera au Tribunal que vous n’étiez pas le conducteur au moment des faits reprochés. Mais encore faut-il pouvoir le trouver…..
En revanche, la loi permet au conducteur poursuivi en tant que responsable pécuniaire, c’est-à-dire, en tant que titulaire du certificat d’immatriculation ( le plus souvent en l’absence d’interception physique du conducteur par les forces de l’ordre), de s’exonérer du formalisme probant de l’article 537 du code de procédure civile en s’appuyant sur les dispositions de l’article L 121-3 alinéa 1 du Code de la route, repris ci-après :
« Par dérogation aux dispositions de l’article L. 121-1, le titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule est redevable pécuniairement de l’amende encourue pour des contraventions à la réglementation sur les vitesses maximales autorisées, sur le respect des distances de sécurité entre les véhicules, sur l’usage de voies et chaussées réservées à certaines catégories de véhicules et sur les signalisations imposant l’arrêt des véhicules, à moins qu’il n’établisse l’existence d’un vol ou de tout autre événement de force majeure ou qu’il n’apporte tous éléments permettant d’établir qu’il n’est pas l’auteur véritable de l’infraction.
La personne déclarée redevable en application des dispositions du présent article n’est pas responsable pénalement de l’infraction. Lorsque le tribunal de police ou la juridiction de proximité, y compris par ordonnance pénale, fait application des dispositions du présent article, sa décision ne donne pas lieu à inscription au casier judiciaire, ne peut être prise en compte pour la récidive et n’entraîne pas retrait des points affectés au permis de conduire. Les règles sur la contrainte judiciaire ne sont pas applicables au paiement de l’amende.
Lorsque le certificat d’immatriculation du véhicule est établi au nom d’une personne morale, la responsabilité pécuniaire prévue au premier alinéa incombe, sous les réserves prévues au premier alinéa de l’article L. 121-2, au représentant légal de cette personne morale.
Lorsque le véhicule était loué à un tiers, la responsabilité pécuniaire prévue au premier alinéa incombe au locataire, sous les réserves prévues au premier alinéa de l’article L. 121-2.
Dans le cas où le véhicule a été cédé, la responsabilité pécuniaire prévue au premier alinéa du présent article incombe, sous les réserves prévues au premier alinéa de l’article L. 121-2, à l’acquéreur du véhicule ».
Il apparaît ainsi, qu’en dehors des cas où le conducteur est interpellé physiquement par les forces de l’ordre, la preuve de ce qu’il n’a pas commis, en tant que titulaire du certificat d’immatriculation, l’infraction reprochée, pourra être rapportée par TOUT MOYEN. La preuve devient donc une preuve libre.
Mais attention, ce n’est pas parce qu’elle est libre qu’elle devient plus simple à établir, bien au contraire…
Ceci étant, il redevient alors possible d’apporter une telle preuve par un témoignage écrit (attestation répondant aux exigences légales) sans que ce témoin ne soit obligé de se déplacer à la barre. Mais encore faut-il ensuite que cette attestation arrive à convaincre suffisamment fort la juridiction pour qu’elle soit incitée à relaxer le prévenu…..
Même si cela peut sembler s’avérer être un combat fastidieux, pour ne pas dire impossible, il n’en reste pas moins que certains magistrats arrivent à se convaincre de la bonne foi du conducteur poursuivi (et très certainement bien défendu !), qui n’est pas, malgré ce que beaucoup pensent, toujours de mauvaise foi !
Dans l’espèce ci-dessous reproduit, la Cour de Cassation a récemment confirmé un arrêt rendu par une juridiction de proximité convaincue par les attestations communiquées par le conducteur démontrant qu’il ne pouvait être l’auteur véritable de l’excès de vitesse relevé à l’encontre du véhicule dont il était le propriétaire :
« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
– L’officier du ministère public près la juridiction de proximité de Lyon,
contre le jugement de ladite juridiction, en date du 22 novembre 2012, qui a déclaré M. Jean-Baptiste X… non redevable pécuniairement de l’amende encourue pour excès de vitesse ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 5 novembre 2013 où étaient présents : M. Louvel président, M. Buisson conseiller rapporteur, Mme Guirimand, MM. Beauvais, Guérin, Straehli, Finidori, Monfort, conseillers de la chambre, Mme Moreau, MM. Maziau, Barbier, Talabardon, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Desportes ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller BUISSON et les conclusions de M. l’avocat général DESPORTES ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l’article 537 du code de procédure pénale ;
Attendu que, pour dire que M. Jean-Baptiste X… n’était pas redevable pécuniairement de l’amende encourue, le jugement attaqué retient, au visa de l’article L. 121-3 du code de la route, que les attestations fournies établissent qu’il ne pouvait être l’auteur véritable de l’excès de vitesse relevé à l’encontre du véhicule dont il était le propriétaire ;
Attendu qu’en cet état, le moyen est inopérant en ce qu’il fait grief au jugement de ne pas s’être conformé aux dispositions de l’article 537 susvisé, inapplicables à la présente cause ;
Et attendu que le jugement est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept décembre deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ; »